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Parcours d'infos - 30 décembre 2022

C'est qui ?

François Houÿez

François Houÿez, coordinateur du réseau européen des lignes d'écoute et d'information pour les maladies rares

Créé en 2007, le réseau européen des lignes d'écoute et d'information pour les maladies rares, qui opère sous l'égide d'Eurordis, l'association européenne des personnes concernées par les maladies rares, permet à Maladies Rares Info Services et nos homologues dans les autres pays européen de se rencontrer et d'apprendre les uns des autres. François Houÿez, coordinateur de ce réseau nous éclaire sur ces actions.

Maladies Rares Info Services : François, vous êtes Directeur de l'information sur les traitements et de l'accès aux traitements et Conseiller Politique de santé chez Eurordis. Pouvez-vous nous présenter cette organisation en quelques mots et nous expliquer votre parcours dans le champ de la santé et des maladies rares ?

François Houÿez : Eurordis est probablement le plus grand réseau de personnes malades en Europe et au-delà, toutes maladies confondues, et maladies rares en particulier. Notre réseau comporte plus de 1020 associations de personnes vivant avec une maladie rare, dans 74 pays. Notre rôle est de défendre et mettre en capacité d’agir les personnes vivant avec une maladie rare en Europe. Nous pouvons compter sur plus de 4500 malades-experts dans notre base, facilitant l'identification d'experts lors de consultations par l'Agence Européenne des Médicaments par exemple.

En ce qui me concerne, en plus de représenter Eurordis à l'Agence Européenne des Médicaments, je suis de près les questions d'accès aux traitements, l'évaluation des autorisations de mise sur le marché de médicaments et comment les représentants de malades peuvent intervenir. Je coordonne également l'action d'Eurordis concernant l'évaluation des technologies de santé au niveau européen. Etant donné que mon action concerne d'autres traitements que les seuls médicaments, et le besoin d'information sur ces traitements, je coordonne le réseau européen des lignes d'écoute et d'information pour les maladies rares.

J'ai rejoint Eurordis en 2003, après avoir milité contre le Sida depuis les années 80, d'abord comme membre d'Act Up-Paris (une lutte retracée dans le film de Robin Campillo « 120 battements par minute »), puis en tant que membre du conseil d'administration d’EATG, l'association européenne de lutte contre le Sida. Après avoir constaté les progrès contre cette maladie, j'ai décidé de mettre mon expérience au profit des maladies rares où tant reste à faire.

Maladies Rares Info Services : quel est le rôle du réseau européen des lignes d'écoute et d'information pour les maladies rares, que vous coordonnez et dont Maladies Rares Info Services est membre ?

François Houÿez : Actuellement, ce réseau rassemble 21 lignes dans 16 pays. Il fut créé à l'occasion d'un projet européen concernant l'information dans le domaine des maladies rares, RAPSODY (« Rare Diseases Patient Solidarity »), de 2007 à 2010. Le réseau a donc aujourd'hui 15 ans. Ses actions permettent aux différentes lignes d'échanger, de partager les connaissances et le savoir-faire et d'améliorer la qualité du service. Des outils communs d'évaluation de la qualité, des discussions sur des cas complexes traités par différentes lignes, des formations (comment trouver des informations médicales validées sur internet, les effets secondaires des médicaments et comment aider à les déclarer, comment répondre à des appels complexes...), des rencontres avec des experts (par exemple un juriste européen au sujet de la protection des données personnelles) permettent au réseau d'accomplir ses objectifs.

Le réseau européen des lignes d'écoute et d'information pour les maladies rares est financé par une subvention de la Commission Européenne dans le cadre du Programme de Santé Publique.

Maladies Rares Info Services : ces lignes d’écoute ne fonctionnent pas toutes de la même manière ou dans le même cadre. Quels seraient les principaux types ? Y a-t-il des différences en fonction de la région d’Europe ou de la maturité du système de prise en charge des maladies rares dans le pays ?

François Houÿez : Les lignes diffèrent selon qu'elles sont opérées par une association de malades, par un organisme gouvernemental ou par des professionnels de santé, mais aussi selon qu'elles recourent à des répondants salariés et/ou bénévoles, ou selon que la ligne couvre un seul type de maladies rares ou l'ensemble.

Néanmoins, au final les différences quant aux sollicitations sont mineures, qu’il s’agisse de la durée moyenne des appels, des raisons principales pour lesquelles les lignes sont contactées, etc. . C’est l’un des enseignements d’une analyse comparative que le réseau mène chaque année depuis 2014, portant sur les appels et mails reçus au mois d’octobre. Ce comparatif porte en moyenne sur 2000 demandes reçues, analysées au travers de 13 caractéristiques.

Les différences principales s'expliquent davantage par les budgets et les modes de financement, stables dans certains pays (avec des subventions publiques renouvelées), ou plus aléatoires dans d’autres (par exemple quand le fonctionnement des lignes repose sur des appels aux dons). Elles concernent aussi l’approche adoptée par les lignes pour répondre aux sollicitations : certaines lignes fournissent l'information utile, à charge pour l'appelant d'agir, d'autres se proposent d'accomplir certaines tâches à la place de l’appelant comme, par exemple, adresser un courrier. Chaque ligne décide. De même, chaque ligne peut décider d'orienter ses services et de spécialiser ses répondants en fonction des problèmes les plus fréquemment rencontrés dans le pays. Ainsi, une ligne peut former un répondant aux questions portant spécifiquement aux droits des personnes à bénéficier de soins à l'étranger, et comment s'y prendre. Une autre, comme c'est le cas en Italie, attribue un numéro (un code administratif) à chaque personne diagnostiquée avec une maladie rare, sur appel du professionnel de santé ayant diagnostiqué la maladie, permettant à la personne de bénéficier d'une prise en charge immédiate à 100%.

Les lignes les plus anciennes dans le réseau furent créées en 2001, c'est le cas de Maladies Rares Info Services. De nouvelles lignes apparaissent chaque année, mais toutes ne décident pas de rejoindre le réseau.

Maladies Rares Info Services : au-delà de cette diversité, pouvez-vous nous expliquer l’importance de ces lignes d’écoute pour les personnes malades, leurs proches et les professionnels qui prennent en charge ou accompagnent ses malades ?

François Houÿez : Dans le cas plus général, ces lignes ont comme intérêt majeur d'aider les appelants à comprendre des informations médicales complexes (en réexpliquant dans des termes plus simples des notions médicales avancées par leurs médecins), à clarifier certains points et éviter des malentendus, et aussi à soutenir des personnes faisant face à des maladies sévères et au pronostic souvent défavorable.

Typiquement, les appelants sont le plus souvent à la recherche d'un centre spécialisé pour leur maladie (20% des appels), d'informations sur la maladie en question (18% des appels), sur la prise en charge sociale (9%) et sur la prise en charge à 100% (9%), etc.

Maladies Rares Info Services : qu’apportent les échanges au niveau européen pour les membres du réseau européen des lignes d’écoute et d’information ?

François Houÿez : A chaque réunion du réseau, les lignes peuvent présenter un ou plusieurs cas difficiles, pour lesquels une solution a été trouvée et proposée à l'appelant, ou bien pour lesquels chaque ligne souhaite bénéficier de l'opinion des autres. Ces échanges peuvent bien sûr avoir lieu en dehors de nos réunions, les lignes entrant en contact les unes avec les autres.  

Dans le cas de création d'une nouvelle ligne, des visites aux lignes existantes permettent d'apprendre les modes opératoires et de bénéficier des conseils des lignes opérant depuis plusieurs années.

Enfin nous pouvons aussi discuter de problèmes particuliers concernant l'ensemble des lignes, comme des échanges sur les méthodes pour se faire mieux connaitre, ou des sujets où l'information scientifique manque, par exemple les traitements dits alternatifs.

Maladies Rares Info Services : pour conclure, quelles perspectives voyez-vous pour ces services, au regard des évolutions des technologies de l’information et de la communication ?

François Houÿez : Les lignes s'adaptent aux nouvelles technologies. Même si les appels téléphoniques représentent encore 65% de l'activité, les contacts peuvent se faire à partir de discussions sur les réseaux sociaux ou de pages web dédiées. Le réseau étudie la possibilité de recourir à l'Intelligence Artificielle pour détecter des messages inappropriés ou inexacts échangés sur les réseaux sociaux, comme l'Organisation Mondiale de la Santé l’a fait pour détecter des fake news concernant les vaccins contre la COVID-19. En outre, certaines lignes explorent l'utilisation de services de type "Ticket" permettant de gérer les demandes, de créer une banque de réponses données, etc.

Le rôle de ce réseau prend tout son sens face à l'excès d'informations médicales ou prétendues médicales auxquels nous faisons tous plus ou moins face.

Interview réalisée par Céline Simonin
 
Pour aller plus loin :

 

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