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Parcours d'infos - 29 juin 2022

C'est qui ?

Sandrine Daugy

Sandrine Daugy, Présidente de l'association Génération 22

Présidente de Génération 22, l'association des personnes atteintes de délétion 22q11 et leur famille, Sandrine Daugy évoque avec nous les enjeux de la transition entre l'enfance et l'âge adulte, une période cruciale dans la prise en charge des maladies rares et dans l'accompagnement des personnes malades et leurs proches.

Maladies Rares Info Services : Madame Daugy, vous êtes la Présidente de Génération 22, l'association des personnes atteintes de délétion 22q11 et leur famille. Pouvez-vous tout d'abord nous expliquer ce qu'est la délétion 22q11 ?

Sandrine Daugy : Le syndrome de délétion 22q11.2 est une maladie génétique rare qui entraîne des anomalies du développement et un trouble neurodéveloppemental. De 30 à 60 gènes sont manquants sur l’un des deux chromosomes 22, sur le bras q, dans le locus 11.2. Ce syndrome est complexe car il existe de nombreux signes cliniques qui concernent de nombreux organes différents et qui peuvent apparaître à différents âges de la vie. La variabilité est très grande, ce qui fait que certaines personnes n’ont que très peu de signes cliniques tandis que d’autres cumulent les anomalies et problèmes de santé. Il existe un risque très élevé par rapport à la population générale de développer des troubles psychiatriques (troubles anxieux, dépression, troubles de l’attention, troubles de l’humeur, troubles du spectre de l’autisme, psychose, schizophrénie, …). Les personnes atteintes présentent des troubles cognitifs, notamment de la cognition sociale, ce qui rend difficile pour elles de se faire des amis. 30% des personnes présentent une déficience intellectuelle légère à modérée. Certaines sont très fatigables, ce qui complique leur insertion professionnelle. La délétion 22q11.2 est au seuil de la maladie rare, son incidence est estimée entre 1 naissance sur 2000 et 1 naissance sur 4000.

Maladies Rares Info Services : Pouvez-vous nous présenter en quelques mots Génération 22 et le parcours qui vous a menée à la présidence de cette association ?

Sandrine Daugy : Créée en 1997, Génération 22 est une association nationale qui soutient les personnes atteintes de la délétion 22q11 et leur famille. Nous rassemblons environ 600 familles. Nous fonctionnons avec un comité de direction qui rassemble 13 déléguées régionales. Nos missions sont d’accompagner, d’informer et de représenter les familles.

Ce sont ces missions qui ont motivé mon implication dans l’association : je suis la mère d’une jeune femme atteinte de la délétion 22q11 diagnostiquée à l’âge de 9 ans. J’ai tout de suite eu besoin de comprendre ce syndrome pour mieux accompagner ma fille. Je suis convaincue que l’information des familles est fondamentale et qu’une prise en charge adaptée des enfants favorise leur trajectoire développementale. Les familles sont souvent confrontées à des troubles psychiques parfois sévères. C’est toute la vie des familles qui bascule. La prévention et la prise en charge précoce de ces troubles sont essentielles.

Génération 22 œuvre pour que la délétion 22q11 soit mieux connue car ce syndrome n’est pas si rare. Nous menons des actions de sensibilisation, même s’il est difficile de toucher le grand public. Par ailleurs, nous collaborons à des projets de recherche ou d’information.

Nous sommes également plusieurs membres de l’association à être formés à l’éducation thérapeutique du patient (ETP), qui vise à aider les personnes malades (et leurs familles) à acquérir ou maintenir les compétences dont elles ont besoin pour gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique. J’ai en outre suivi une formation « Patient-Partenaire-Formateur » dont l’objectif d’améliorer la prise en charge dans le parcours de soins en s’appuyant sur l’expérience du patient ou de l’aidant.

Nous effectuons ce travail en collaboration avec de nombreux autres acteurs. Nous sommes ainsi partenaires des Filières de Santé Maladies Rares, qui sont les structures qui rassemblent et coordonnent un ensemble d’acteurs impliqués dans les maladies rares et leur prise en charge, dont les associations de patients. Du fait de la complexité du syndrome de la délétion 22q11, nous sommes impliqués dans plusieurs d’entre elles : AnDDI-Rares, Défiscience, TETECOU, Oscar et SENSGENE.

Nous sommes également membres de l’Alliance maladies rares, afin que soit portée en France la voix des personnes concernées par les maladies rares.

Enfin, nous sommes actifs au niveau européen : nous sommes membres de l’association européenne 22q11 Europe, d’Eurordis (qui rassemble les associations de personnes concernées par les maladies rares à l’échelon européen) et du réseau européen de référence ERN-ITHACA (l’équivalent des Filières au niveau européen).

Maladies Rares Info Services : Parmi les sujets de préoccupation, de réflexion et d’action de Génération 22 figure la transition enfant-adulte ? Pouvez-vous nous expliquer quels sont les enjeux derrière ce terme, au travers de l’exemple des jeunes atteints d’une délétion 22q11 ?

Sandrine Daugy : La transition enfant-adulte c’est d’abord, au sens large, toute la période qui conduit un jeune de l’adolescence à l’âge adulte. Dans le champ sanitaire, il s’agit plus spécifiquement du processus visant le passage du jeune malade d’un service de soins pédiatriques vers un service pour adultes. Cette transition est une période qui n’est pas toujours simple à appréhender pour diverses raisons.

S’agissant du passage vers un service de soins pour adultes, lorsque les services pédiatriques des centres de référence maladies rares ne suivent plus l’enfant devenu majeur, il n’est pas toujours facile de poursuivre un suivi médical adapté. C’est d’autant plus compliqué si la famille habite loin des centres de référence. Certains centres proposent des séances de transition entre le service pédiatrique et le service adultes mais c’est loin d’être généralisé, et tous les problèmes ne s’arrêtent pas à 18 ans. Il est fréquent que le suivi ne soit plus aussi régulier à l’âge adulte, pourtant cela peut être très important que ce suivi se fasse tout au long de la vie notamment en cardiologie après certaines chirurgies. Idéalement il faudrait qu’un médecin spécialiste ou généraliste assure une coordination des soins. Trop souvent cette coordination est assurée par la famille.

S’agissant de la prise en charge psychiatrique de la délétion 22q11, l’âge pour débuter un suivi dans un service adultes est de 15 ans et 3 mois. C’est particulièrement mal adapté à notre syndrome car la période de vulnérabilité se situe entre 12 et 25 ans. Cette rupture n’est pas favorable, alors que la prise en charge en psychiatrie est justement clé pour notre syndrome. L’évaluation psychiatrique est par ailleurs un aspect clé lors de cette période charnière. Nous sommes souvent contactés par des familles dont l’enfant, jeune adulte, ne va pas bien sur le plan psychiatrique. Quand elles nous racontent leur histoire, on se rend compte que des signes étaient présents très tôt, parfois dès la petite enfance. J’insiste sur ce point car ce sont des situations souvent très difficiles et une prise en charge précoce aurait parfois pu éviter cette escalade. Il est important qu’un jeune adolescent voie un psychiatre qui connaît la délétion pour faire une évaluation si cela n’est pas déjà mis en place. Il y a 50 à 60% des jeunes avec une délétion 22q11 qui présentent des troubles psychiatriques.

Il y a aussi une dimension sociale dans la transition. Les parents sont inquiets car, lorsque leur enfant ne vit plus avec eux, ils ne maitrisent pas forcément le suivi à l’âge adulte. Il peut aussi y avoir des ruptures dans le suivi : lorsque le suivi et les prises en charge ont été nombreuses dans l’enfance, il peut y avoir une lassitude des parents et des jeunes qui ont envie de vivre de manière plus tranquille. Lorsque le jeune vit de manière indépendante, son autonomie peut lui faire penser qu’il n’a plus besoin d’être suivi. Il ne faut pourtant pas négliger les risques (le suivi en cardiologie pour certaines cardiopathies, le déficit immunitaire, les troubles endocriniens, les troubles psychiatriques…).

Il est aussi important de parler du conseil génétique à tous les jeunes atteints du syndrome car le risque de transmission est de 50%.

Notre association organise tous les deux ans un congrès national qui réunit des spécialistes du syndrome et les familles. Nous abordons toujours le sujet de la transition car il est très important. Il faut sensibiliser les parents et les jeunes à la nécessité de se faire suivre à l’âge adulte.

Maladies Rares Info Services : Quelles sont les ressources disponibles pour accompagner cette transition enfant-adulte ? Quelles sont celles qui manquent ?

Sandrine Daugy : Il existe de plus en plus de programmes d’ETP et certains concernent la transition enfant-adulte.

Grâce à la filière AnDDI-rares, un programme a été développé en partenariat avec notre association : « 22 raisons d’avancer ». Dans ce programme, les jeunes (15-21 ans) sont incités à parler des signes cliniques dont ils sont atteints. Un module les aide à prendre et préparer un rendez-vous, connaître leurs droits. Un autre les fait réfléchir sur ce qu’ils aiment faire. Un module les sensibilise à des situations d’abus pour leur faire prendre conscience de leur vulnérabilité. Un autre programme, non spécifique à la délétion 22q11, « En route vers l’autonomie », est proposé également par les centres de référence et de compétence de la filière ANDDI-Rares. Il reprend des thèmes transversaux sur l’accès à l’autonomie.

Au sein de la filière Défiscience, des Centre de référence Maladies Rares à expression psychiatrique ont mis en place des programmes d’ETP, comme par exemple Psy Rare développé par le Pôle PEPIT au sein du GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences (Hôpital Saint-Anne). Dans ce programme, les jeunes de 15 à 30 ans présentant des troubles psychiatriques participent à des séances pendant 10 semaines, et leurs parents suivent des séances en parallèle pour apprendre à mieux accompagner leur enfant jeune adulte. Il existe aussi un programme JAMREP proposé par Génopsy au centre hospitalier Le Vinatier à Lyon, destiné aux jeunes pour les aider dans leur vie d’adulte autour de 3 modules : prendre soin de soi, vivre avec les autres et s’épanouir dans sa vie intime et affective. Ces deux derniers programmes ne sont pas spécifiques au 22q11.

D’autres programmes sont en cours de construction. L’ETP est un outil particulièrement intéressant pour la transition car il est interactif, les jeunes se retrouvent à partager leur expérience avec d’autres jeunes qui rencontrent les mêmes difficultés.

La carte d’urgence pour la délétion 22q11 est un autre outil. Les cartes d’urgence sont proposées par les Centres de référence maladies rares pour certaines pathologies. Elles sont remises aux personnes malades pour améliorer la coordination de leurs soins notamment en situation d’urgence. La carte d’urgence, parce qu’elle synthétise les spécificités du syndrome, permet donc d’améliorer la coordination dans le cadre de la transition lors d’une situation d’urgence.

Certains CHU proposent aussi des plateformes de transition en leur sein, pour accompagner le passage vers un suivi adulte des jeunes atteints d’une maladie chronique. Par « La Suite » à l’hôpital Necker à Paris et « Le Pass’âge » à l’hôpital Femme Mère Enfant des Hospices Civils de Lyon. Ce sont des services utiles pour les jeunes qui habitent à proximité.

Enfin, il existe des associations qui accompagnent les jeunes en situation de handicap. A Lyon il y a par exemple l’association Handica Réussir qui accompagne les jeunes en situation de handicap de 16 à 25 ans.

C’est difficile pour une association comme la nôtre de connaitre toutes les ressources sur tout le territoire français. Il serait important que des acteurs régionaux puissent établir des annuaires de ressources au niveau régional, comme le fait par exemple le Réseau Maladies Rares Occitanie.

Maladies Rares Info Services : Quels sont les principaux conseils que votre association adresse aux jeunes et leurs familles en lien avec cette période charnière ?

Sandrine Daugy : Nos principales préconisation sont les suivantes :

  • Ne pas négliger son suivi médical somatique et psychiatrique.
  • Savoir identifier les ressources dont on peut avoir besoin : centre de référence ou centre de compétence maladies rares, associations (association personnes malades et leur famille mais aussi associations locales qui aident pour l’orientation ou l’insertion professionnelle, etc).
  • Prendre un rendez-vous en conseil génétique.
  • Aller voir un psychiatre qui connaît ce syndrome (se rendre dans un centre de référence ou centre de compétence maladies rares à expression psychiatrique pour faire le point s’il n’y a pas déjà un suivi déjà mis en place).
  • Eviter les sources de stress et ne pas sous-estimer les troubles anxieux.
  • Rester informé sur le syndrome. Un risque ne veut pas dire que ça va arriver mais il faut savoir reconnaître les signes avant-coureurs comme l’anxiété, un changement de comportement…pour mettre en place une prise en charge psychiatrique.
  • Rester informé sur les droits dans le handicap et les maladies rares.

L’association est là pour communiquer des informations sur le plan général et aussi sur le plan régional. Il ne faut pas hésiter à nous contacter.

Interview réalisée par Céline Simonin

Pour aller plus loin :

Programmes d’ETP :

Espaces d’accompagnement de la transition dans les maladies chroniques :

 

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