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Parcours d'infos - 30 mars 2022

C'est qui ?

Hélène Dollfus

Professeur Hélène Dollfus, Coordonnatrice du Réseau européen de référence sur les maladies rares des yeux ERN-EYE

Professeur des Universités et praticien hospitalier au CHU de Strasbourg, très impliquée dans le champ des maladies rares en France, Hélène Dollfus est également la Coordonnatrice du Réseau européen de référence sur les maladies rares des yeux ERN-EYE. Ce réseau est l'un des 24 Réseaux européens de référence sur les maladies rares mis en place par l'Union Européenne pour une coopération européenne sur les maladies rares. 5 ans après leur création, nous avons fait le point avec le Professeur Dollfus sur les actions menées par les Réseaux européens de référence, dans le contexte de la Présidence française de l'Union européenne mais aussi de la guerre en Ukraine.

Maladies Rares Info Services : Professeur Dollfus, vous coordonnez, depuis sa création en 2017, ERN-EYE, un des 24 Réseaux européens de référence sur les maladies rares des yeux. Tout d’abord, quel parcours vous a menée à cette implication au niveau européen ?

Pr Hélène Dollfus : A l’origine ophtalmologue, je me suis assez vite intéressée aux maladies rares et à la génétique médicale et je me suis impliquée dans ce domaine en France. Je suis ainsi depuis 2002 Chef de Service de génétique médicale du CHU de Strasbourg et, depuis 2014, la Coordonnatrice de la Filière de Santé Maladies Rares SENSGENE dédiée aux maladies rares sensorielles de la vision et de l’audition. En travaillant dans les maladies rares, l’importance de la dimension européenne s’est vite imposée comme une évidence : en raison de la rareté des maladies et de l’expertise les concernant, la coopération internationale est essentielle pour pouvoir échanger avec d’autres experts et offrir la meilleure prise en charge possible aux personnes malades. Aussi, lorsqu’en 2016, l’association Retina International m’a sollicitée pour mettre en place et coordonner ERN-EYE, j’ai accepté.

Maladies Rares Info Services : Quelles sont les grandes missions des réseaux européens de référence ?

Pr Hélène Dollfus : L’une des missions premières des Réseaux européens de référence maladies rares est d’optimiser le soin des malades en Europe en mutualisant les connaissances. L’objectif est que la connaissance circule d’un pays à l’autre via la mise en réseau virtuelle et que les personnes malades n’aient pas, elles, à se déplacer. Pour ce faire chaque Réseau européen de référence utilise une plateforme très sécurisée de clinique virtuelle, avec des outils de télémédecine. La clinique virtuelle permet d’examiner les cas complexes de patients qui nécessitent des échanges entre experts au niveau européen. Les Réseaux européens de référence ont aussi pour rôle d’élaborer des lignes directrices pour le soin des personnes malades, par exemple concernant les examens à pratiquer pour un diagnostic optimal. Une illustration au sein d’ERN-EYE de cette mission d’optimisation du soin est la tenue de réunions virtuelles en cas d’interprétation difficile de résultats de tests génétiques, dans des cas où il est d’autant plus crucial d’avoir un résultat sûr que le diagnostic peut donner accès à une thérapie génique.

Une autre mission des Réseaux européens de référence maladies rares est la mise en place de registres de patients qui recensent les patients pris en charge par les centres membres du réseau dans les différents pays de l’Union européenne. L’objectif de ces registres est vaste, dont par exemple favoriser les études épidémiologiques et faciliter l’inclusion des personnes malades dans les essais cliniques.

Un autre axe de travail pour les Réseaux européens de référence est la formation des médecins aux maladies rares. Par exemple ERN-EYE va prochainement mettre en ligne une formation à destination des ophtalmologues sur les dystrophies héréditaires de la rétine.

Enfin les Réseaux européens de référence ont pour mission de promouvoir la recherche. Il y a de très grands besoins en la matière afin d’améliorer la connaissance sur les maladies rares et de faire progresser la recherche sur les thérapies (rappelons que 95% des maladies rares n’ont pas de traitement curatif).

Maladies Rares Info Services : Concrètement, comment les membres des réseaux européens de référence, répartis dans une vingtaine de pays différents de l’Union européenne, travaillent-ils ensemble ?

Pr Hélène Dollfus : Les membres des réseaux européens de référence sont des services hospitaliers dans les différents états membres de l’Union. Ces services ont déposé un dossier pour être reconnus en tant qu’unités de soins qualifiées dans le champ des maladies rares par un Conseil composé des représentants des Ministères de la Santé des différents Etats membres. Par exemple ERN-EYE compte 10 membres français qui, par ailleurs, sont reconnus dans le système français comme des Centres de Référence maladies rares.

Il existe aussi des partenaires affiliés aux Réseaux européens de référence, dans les pays où aucune unité de soin n’a été labellisée. Il s’agit alors de services hospitaliers qui ne remplissent pas encore toutes les conditions pour être reconnus comme membres à part entière mais dont il est très important qu’ils soient associés aux travaux du Réseau européen de référence : d’une part pour que toutes les personnes malades puissent avoir accès à un membre du réseau dans leur pays, d’autre part pour promouvoir et diffuser l’expertise.

A titre d’exemple, ERN-EYE compte au total 52 membres à part entière et 8 membres affiliés dans 24 pays de l’Union Européenne.

Plus concrètement, les personnels de ces services hospitaliers collaborent principalement à distance, mais des réunions annuelles des réseaux européens de référence se tiennent également en présentiel chaque année (lorsque les conditions sanitaires le permettent) afin de mieux se connaître et d’échanger et partager plus intensément. A ce stade c’est encore très souvent les médecins qui participent aux travaux des Réseaux européens de référence, mais certains Réseaux commencent aussi à impliquer d’autres acteurs comme par exemple les professions paramédicales.

Maladies Rares Info Services : Quelle est la place des personnes malades et leurs proches dans les Réseaux européens de référence ?

Pr Hélène Dollfus : Lors de la mise en place des 24 Réseaux européens de référence, la Commission européenne et Eurordis, l’association européenne portant la voix des personnes concernées par une maladie rare au niveau européen, ont constitué 24 groupes européens de représentants de patients. Les périmètres de ces groupes correspondent à ceux des réseaux européens de référence. Le rôle de ces élus est de représenter la voix et les intérêts des personnes malades au sein de la gouvernance de chaque Réseau européen de référence. ERN-EYE compte ainsi 7 représentants de patients au sein de sa gouvernance, qui sont des partenaires à part entière, extrêmement impliqués.

En revanche il est important de rappeler que les Réseaux européens de référence ne peuvent pas être sollicités directement par les personnes malades. Ce sont les membres nationaux qui saisissent le Réseau européen de référence lorsqu’ils estiment qu’un cas doit faire l’objet d’une concertation au niveau européen. Concrètement, en France, ce sera l’un des 10 Centres de Référence membres d’ERN-EYE qui, s’il le juge nécessaire, sollicitera notre réseau pour obtenir un avis sur la situation de l’un des patients suivis en son sein.

Maladies Rares Info Services : Les réseaux européens de référence ont été lancés il y a 5 ans, en mars 2017. Quelles ont été les principales avancées, et quelles perspectives se dessinent alors que la Présidence française de l’Union européenne vient d’initier une relance de la dynamique européenne sur les maladies rares ?

Pr Hélène Dollfus : La création des Réseaux européens de référence a permis la mise en place d’équipes européennes qui savent désormais travailler ensemble. De nombreuses lignes directrices sur le soin ont déjà été publiées. De nombreux chantiers restent devant nous, comme le renforcement du dispositif de clinique virtuelle à travers une plateforme rénovée, ou encore la mise en place effective des registres de patients. Il est surtout important que les Réseaux européens de référence soient plus intégrés au niveau national : en France la structuration préexistante en Filières de Santé, Centres de Référence et Centres de Compétences Maladies Rares a beaucoup facilité cette intégration, mais cette structuration n’existe pas dans tous les pays, rendant plus difficile la coopération entre les différents échelons. Or cette intégration est essentielle pour que chaque patient puisse potentiellement bénéficier des actions menées par les Réseaux européens de référence.

Maladies Rares Info Services : Les Réseaux européens de référence viennent de lancer le site internet www.erncare4ua.eu destiné à soutenir les Ukrainiens réfugiés ou déplacés atteints d’une maladie rare. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Il y a environ 2 millions de personnes atteintes d’une maladie rare qui vivaient en Ukraine lors du déclenchement de la guerre le 24 février dernier. Un certain nombre d’entre elles ont quitté le pays pour se réfugier dans un des Etats membres de l’Union européenne et ont besoin de retrouver un suivi ou un traitement. D’autres sont encore en Ukraine et n’ont plus accès aux soins spécialisés dont elles auraient besoin. Le but du site est de mettre en lien les professionnels de santé qui seront amenés à prendre en charge des personnes déplacées ou réfugiées atteintes d’une maladie rare avec les Réseaux européens de référence et leurs membres nationaux pour qu’ils puissent accéder à la bonne expertise, notamment dans le cas de situations urgentes ou complexes.

Interview réalisée par Céline Simonin

Pour aller plus loin :

 

 

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