Accéder directement au contenu

Parcours d'infos - 30 juin 2021

C'est qui ?

Laurent Villeneuve

Laurent Villeneuve, coordinateur du réseau national de prise en charge des tumeurs rares du péritoine (RENAPE)

Laurent Villeneuve est depuis 2009 le coordinateur du réseau national de prise en charge des tumeurs rares du péritoine , RENAPE. Ce réseau est l'un des 15 réseaux nationaux pour les patients atteints de cancers rares. Maladies Rares Info Services l'a interrogé sur son expérience au sein de ce réseau, afin de mieux comprendre les enjeux liés aux cancers rares.

Maladies Rares Info Services : Vous coordonnez RENAPE depuis sa mise en place en 2009. Pouvez-vous nous retracer votre parcours et l’histoire de ce réseau ?

Laurent Villeneuve : De formation scientifique universitaire, j’ai commencé à travailler dans la recherche clinique auprès des Hospices Civils de Lyon (HCL) en 2005. C’est justement aux HCL, plus précisément au centre hospitalier de Lyon-Sud, que se trouvait depuis les années 1990 une équipe chirurgicale qui s’intéressait au traitement des cancers du péritoine. Un réseau a commencé à se constituer de façon informelle autour de nouvelles procédures chirurgicales (chirurgie de cytoréduction associée à une nouvelle forme d’administration de chimiothérapie, la Chimiothérapie Hyperthermique IntraPéritonéale (CHIP), qui était nouvelle à l’époque). RENAPE est né plus officiellement en 2009, lorsque le centre hospitalier Lyon-Sud a candidaté dans le cadre d’un appel à projet visant à structurer l’offre de soins pour les patients adultes atteints de cancers rares, dans le cadre du Plan Cancer 2009-2013. C’est alors que j’ai pris la coordination de RENAPE aux côtés du Pr François-Noël Gilly. L’activité des réseaux nationaux cancers rares s’est poursuivie et consolidée depuis dans le cadre des Plans Cancers successifs, avec en 2019 une nouvelle labellisation de 15 réseaux nationaux, dont RENAPE fait partie. La France est l’un des seuls pays au monde à avoir ainsi structuré les acteurs des cancers rares dans le cadre d’une politique impulsée au plus haut niveau.

Plus concrètement, dans le cas des tumeurs rares du péritoine, la prise en charge est complexe, très spécialisée et justifie la bonne connaissance de ces tumeurs qui ont des caractéristiques cliniques, diagnostiques et thérapeutiques particulières. Leur prise en charge doit se faire obligatoirement dans une approche multidisciplinaire. RENAPE a mis en place un maillage d’équipes spécialisées sur l’ensemble du territoire français, afin d’établir des parcours de soins spécifiques et de qualité, de garantir une égalité d’accès aux soins et à l’expertise pour tous et permettre l’accès aux traitements innovants pour les patients qui le nécessitent. Ces filières de soin s’articulent autour d’équipes chirurgicales et médicales regroupant toutes les disciplines prenant en charge ces tumeurs, des plateaux techniques spécifiques (imagerie, biologie moléculaire, anatomopathologie), et des centres experts pour l’accès aux traitements innovants et aux essais cliniques. Le réseau comprend ainsi 3 centres de référence dont celui de Lyon-Sud qui a le statut de centre coordinateur du réseau national et auquel je suis rattaché, 6 centres de compétences répartis dans différentes régions de France et des structures associées assurant le maillage territorial.

Maladies Rares Info Services : Pouvez-vous nous expliquer, à travers votre fonction de coordinateur, quelles sont les missions d’un réseau national cancer rare ?

Laurent Villeneuve : En tant que Coordinateur, mon rôle, aux côtés de l’actuel responsable scientifique du Réseau, le Pr Olivier Glehen, est d’animer toutes les missions de RENAPE. Celles-ci sont de plusieurs ordres. Une première mission essentielle, compte tenu de la rareté des tumeurs du péritoine, est d’informer le grand public et les professionnels de santé, afin de limiter l’errance diagnostique mais aussi l’errance thérapeutique pour que les personnes malades puissent avoir accès le plus rapidement possible à la prise en charge la plus adaptée. RENAPE a aussi un rôle de soutien à la recherche, afin de promouvoir de nouvelles études, de nouveaux traitements. Nous élaborons aussi des recommandations de bonnes pratiques cliniques afin de standardiser la prise en charge. Nous avons aussi une mission épidémiologique, afin de mieux comprendre la prévalence de ces cancers, le nombre de personnes concernées. Nous estimons actuellement que l’incidence est de 300 nouveaux cas de tumeurs rares du péritoine par an.

Comme évoqué plus haut, notre rôle en tant que réseau national cancers rares a aussi été de structurer des filières spécifiques pour la prise en charge de ces pathologies, et désormais d’agir comme ressource d’aide à la décision pour la prise en charge des patients, notamment à travers des réunions appelées réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) qui regroupent différents types de spécialistes du cancer concerné afin de donner un avis expert sur un dossier. Ainsi, dans le cas des tumeurs rares du péritoine, cette concertation va associer des pathologistes, des chirurgiens, des radiologues et des oncologues issus de notre réseau de centres et structures spécialisés.

Enfin, une des missions des réseaux cancers rares était de se rapprocher d’une association de patients ou d’en faciliter la création. Dans le cas des tumeurs du péritoine, la création de RENAPE a été quasi-concomitante à celle d’AMARAPE, l’Association Contre les Maladies Rares du Péritoine, qui est en quelque sorte notre cousine et avec qui nous entretenons des liens très étroits.

Maladies Rares Info Services : Après 12 ans d’existence, quelles sont d’après vous les principales réussites de RENAPE ?

Laurent Villeneuve : Un des points très positifs est la filiarisation des patients à laquelle nous sommes parvenus, c’est-à-dire leur orientation directe vers les centres experts. C’est un gain de temps énorme, cette réduction de l’errance apporte un bénéfice majeur en terme de pronostic. En chiffre, cela se traduit par 250 patients par an qui sont orientés vers les centres experts. Un autre résultat très important est la standardisation des recommandations de bonnes pratiques thérapeutiques, qui s’appuie sur un consensus au niveau européen et international. Ces deux réalisations facilitent l’accès des patients à l’expertise diagnostique et thérapeutique.

Maladies Rares Info Services : Tandis que les réseaux nationaux cancers rares se sont structurés dans le cadre des Plans Cancers, la prise en charge des autres maladies rares s’effectue sous l’égide des Plans nationaux maladies rares et de l’organisation qui en découle, en particulier la structuration en 23 filières de santé maladies rares qui sont en quelque sorte le pendant des réseaux nationaux cancers rares. Au-delà de ces différences institutionnelles, quels sont selon vous les points communs entre cancers rares et maladies rares, ainsi que les spécificités liées aux cancers rares ?

Laurent Villeneuve : Un des points communs est bien entendu l’errance à laquelle sont confrontées les personnes malades, conséquence de la rareté et du déficit d’information. Un autre est la nécessité d’une prise en charge spécifique, dans des centres disposant de l’expertise requise. Quant aux spécificités, s’agissant plus particulièrement des tumeurs du péritoine, le traitement reposant à la fois sur la chirurgie et la chimiothérapie requièrent des équipes avec des compétences bien spécifiques et des plateaux techniques et de soins, exigences qu’on ne retrouve pas nécessairement de façon aussi aigüe dans d’autres domaines. Pour en revenir à l’aspect plus institutionnel, il est vrai que les réseaux nationaux cancers rares bénéficient d’un véritable vaisseau amiral à travers l’institut national du cancer et les moyens dédiés aux plans cancer. Mais les plans nationaux maladies rares viennent aussi nourrir la structuration du champ des cancers rares : l’organisation en centres de référence et de compétences a ainsi été importée du champ des maladies rares.

Maladies Rares Info Services : Vous avez mentionné à plusieurs reprises qu’un des défis à relever est celui de l’information. Pouvez-vous nous en dire plus sur cet enjeu ?

Laurent Villeneuve : L’enjeu est double. Il s’agit d’une part d’informer le grand public et les professionnels de santé pour réduire le phénomène d’errance, raccourcir le chemin d’accès à la fois au diagnostic et à la bonne prise en charge. Il s’agit également d’accroître la connaissance sur les cancers méconnus et de diffuser l’information sur l’état de ces connaissances. Nous avons donc en quelque sorte un devoir d’information, dont le principal outil est internet, avec deux sites ressources : celui de RENAPE, et celui d’AMARAPE, qui est une porte d’entrée très importante pour les personnes malades. Les enjeux et les ressources sont similaires pour les autres réseaux cancers rares.

Maladies Rares Info Services : Vous parlez de porte d’entrée vers les centres experts, ce qui pose la question de l’orientation vers ces centres. Maladies Rares Info Services constitue elle aussi une porte d’entrée (les cancers rares représentaient 4% des sollicitations auprès de notre service en 2020). Quelles sont les autres, et concrètement quelles sont les démarches à réaliser pour solliciter un centre expert d’un réseau cancers rares ?

Laurent Villeneuve : Les personnes malades sont orientées vers un centre expert de notre réseau soit parce qu’il y a déjà un diagnostic (la qualité de l’imagerie permettant parfois de le poser sans ambiguïté), soit parce qu’il y a une suspicion. Les patients sont souvent moteur dans cette démarche car ils ont pu découvrir l’existence des centres experts via internet ou, en prenant contact avec AMARAPE. Dans d’autres cas se sont les médecins des services d’oncologie ou de chirurgie digestive par lesquels sont passées les personnes malades qui ont eu le réflexe centre expert. Dans tous les cas, la décision d’adresser la personne malade à un centre expert se prend dans le cadre d’une discussion entre le médecin traitant, le médecin spécialiste et le patient. La personne doit fournir au centre expert le courrier de son médecin mais aussi certains éléments clés de son dossier médical qui lui sont précisés lors de la prise de rendez-vous.

Maladies Rares Info Services : l’information et l’orientation sont des composantes essentielles du parcours de santé, et de vie, des personnes concernées par un cancer rare ou une autre maladie rare. Qu’en est-il du troisième pilier, celui du soutien aux personnes malades. Y-a-t-il des ressources spécifiques vers lesquelles vous orientez les patients ?

L’association AMARAPE est vraiment une ressource clé vers laquelle nous orientons volontiers les patients. AMARAPE propose différents types de soutien : la possibilité de partager avec d’autres personnes confrontées à la même pathologie, au même parcours de soins mais aussi une écoute, une aide administrative, etc.

Une autre ressource essentielle, disponible au sein du réseau RENAPE auprès de certains centres, sont les infirmières de coordination. Ce sont des infirmières qui connaissent très bien le parcours complexe auquel sont confrontées les personnes atteintes d’une tumeur rare du péritoine, ce qui est fondamental pour leur servir de point d’information, d’appui et d’écoute.

Interview réalisée par Céline Simonin

Pour aller plus loin :

Site de l’Institut national du cancer :

Site internet de la Ligue contre le cancer

 

 

cookie policy here