Parcours d'infos - 7 octobre 2021
C'est qui ?
Shahram Attarian, coordinateur de la filière de santé maladies rares Filnemus
Coordinateur de la filière de santé maladies rares Filnemus, dédiée aux maladies neuromusculaire, le Pr Shahram Attarian nous présente ses fonctions ainsi que les recommandations et études menées par la filière s’agissant de la vaccination contre la Covid-19.
Maladies Rares Info Services : pourriez-vous nous donner quelques éléments sur vos fonctions ?
Pr Shahram Attarian : Je suis neurologue et chef de service du centre de référence des maladies neuromusculaires et sclérose latérale amyotrophique à l'hôpital universitaire de la Timone à Marseille et professeur de neurologie à la faculté de médecine d'Aix-Marseille. Notre centre de référence fait partie de la filière Filnemus, filière nationale de santé maladies rares dont je suis le coordinateur depuis 2 ans. Les affections qui relèvent de cette filière concernent environ 50 000 patients enfants et adultes et incluent les maladies du muscle (myopathies), les maladies de la jonction neuromusculaire, les maladies rares du nerf périphérique et les amyotrophies spinales. Nous faisons également partie du réseau européen de référence pour les maladies neuromusculaires rares.
Nos objectifs majeurs pour les prochaines années sont de réduire l’errance diagnostique et de renforcer les missions de recherche et de collaborations internationales.
Maladies Rares Info Services : quels sont vos principaux sujets de recherche ?
Pr Shahram Attarian : Nous essayons de développer des biomarqueurs et de nouvelles stratégies thérapeutiques dans les maladies neuromusculaires et la sclérose latérale amyotrophique. Je suis notamment coordinateur de 2 essais thérapeutiques internationaux (maladie de Charcot-Marie-Tooth et syndrome de Guillain-Barré) et investigateur principal dans plus de 60 essais thérapeutiques dans les maladies neuromusculaires et la sclérose latérale amyotrophique.
Maladies Rares Info Services : la filière Filnemus s’est beaucoup mobilisée et a déployé de nombreuses actions pendant la crise du COVID-19. A l’heure des nouvelles recommandations de la Haute Autorité de Santé concernant la vaccination, quels sont les patients de la filière pour lesquels un rappel (3e dose) est nécessaire ?
Pr Shahram Attarian : Comme pour la population générale, les personnes de la filière éligibles pour ce rappel sont les personnes de plus de 65 ans, les personnes à très haut risque de forme grave ou présentant des comorbidités (qui augmentent le risque de formes graves) ainsi que les personnes immunodéprimées.
A noter que ces rappels vaccinaux sont effectués uniquement avec des vaccins à ARN messager, soit Pfizer-BioNTech ou Moderna.
Pour les patients de la filière Filnemus sous immunosuppresseurs (azathioprine, mycophenolate mofetil, méthotrexate, rituximab), un rappel est ainsi recommandé. On leur propose un schéma vaccinal spécifique comportant 3 injections à 4 semaines d’intervalle afin d’optimiser l’efficacité des vaccins.
Enfin, un rappel est aussi recommandé chez les patients neuromusculaires que nous considérons comme à risque de formes sévères du coronavirus. A savoir les patients ayant une insuffisance ventilatoire (avec ou sans ventilation), une cardiomyopathie et des troubles du rythme ou de la conduction, un traitement par corticoïdes ou immunosuppresseurs, une myasthénie auto-immune (en particulier les formes sévères).
Maladies Rares Info Services : quand faire ce rappel ?
Pr Shahram Attarian : La dose de rappel doit être administrée 6 mois après la dernière injection de vaccin mais 4 semaines après l'injection unique de Janssen.
Maladies Rares Info Services : dans quels cas, doser les anticorps anti-Spike ?
Pr Shahram Attarian : Il est nécessaire de vérifier le taux d’anticorps anti-Spike du SARS-CoV-2 chez les patients sous immunosuppresseurs « forts » et ayant eu le schéma vaccinal complet (3 injections). En effet, pour certains de ces patients, le taux d’anticorps peut être insuffisant. Cette vérification des anticorps doit se faire à un intervalle d’au moins 3 semaines après la dernière injection.
En cas de négativité, les patients doivent contacter leur médecin référent de leur centre de référence ou de compétence.
Maladies Rares Info Services : quelles sont les indications des traitements prophylactiques par anticorps monoclonaux ?
Pr Shahram Attarian : Si les anticorps anti-Spike sont négatifs et que les patients sont « cas contacts », il est recommandé de leur administrer un traitement prophylactique « post-exposition » par Ronapreve qui associe deux anticorps monoclonaux (bithérapie casirivimab/imdevimab).
Pour rappel, la protéine Spike (ou protéine S) est une protéine du SARS-CoV‑2 qui permet au virus de rentrer dans nos cellules. Elle est la cible d’anticorps produits par l’organisme après l’infection et après vaccination. Les deux anticorps monoclonaux du Ronapreve sont dirigés spécifiquement contre cette protéine S et agissent ainsi en empêchant la pénétration du virus dans les cellules.
Ce traitement peut également être discuté au cas par cas chez les patients n’ayant pas d’anticorps en traitement prophylactique « pré-exposition ». Mais il s’agit d’un protocole lourd avec une administration par voie intraveineuse ou sous cutanée et qui n’est pas, bien entendu, destiné à être utilisé comme substitut de la vaccination contre le SARS-CoV-2.
Maladies Rares Info Services : quel suivi de la vaccination par la filière Filnemus ?
Pr Shahram Attarian : Plusieurs enquêtes ont été menées par la filière Filnemus afin de déterminer l’impact de la COVID-19 sur les patients neuromusculaires. La filière Filnemus a également mis en place un suivi des patients vaccinés avec le soutien des centres de référence et de compétence neuromusculaires et des associations de patients (AFM-Téléthon, Association Française Contre l’Amylose, AMMI, AFNP, CMTFrance…). Cet observatoire VA-C-NEMUS a été lancé le 10 mars 2021. Au total, nous avons environ 1 500 patients répertoriés. La clôture est prévue en octobre.
Maladies Rares Info Services : quels sont les résultats préliminaires ?
Pr Shahram Attarian :Aucun effet indésirable grave suite à la vaccination n’a été relevé. Nous avons pu constater la bonne tolérance des vaccins en particulier chez les patients à risque de forme grave comme les patients tétraplégiques ou insuffisants respiratoires. Nous avons eu connaissance d’un patient ayant fait une allergie cutanée assez importante mais les lésions ont ensuite complétement régressé sans aucune séquelle.
Les effets indésirables répertoriés sont bénins et de courte durée. Principalement : douleurs au point d’injection, fatigue, maux de tête, nouvelles douleurs musculaires et frissons. Ces effets semblent plus fréquents chez les personnes jeunes et lors de la seconde injection des vaccins de Pfizer-BioNTech et Moderna. Une analyse plus fine des données va être conduite prochainement.
Maladies Rares Info Services : quel est le pourcentage de patients de la filière Filnemus non encore vaccinés ?
Pr Shahram Attarian : Les chiffres sont comparables à ceux de la population générale, soit environ 15 % de non vaccinés.
Maladies Rares Info Services : quels sont les principaux freins à la vaccination qui ont été identifiés ? Comment y remédier ?
Pr Shahram Attarian : On retrouve chez nos patients les mêmes types de freins et d’hésitations qu’en population générale quant à l’efficacité et la sûreté des vaccins : peur des nouvelles technologies utilisées pour la fabrication de ces vaccins, crainte des effets indésirables, théorie du complot…
Mais il faut souligner que les peurs des patients de la filière sont le plus souvent légitimes et tout à fait pertinentes. En effet quand vous avez une maladie grave et/ou chronique, on comprend parfaitement les craintes d’éventuels effets secondaires susceptibles de perturber un équilibre fragile. Dans un tel contexte, les demandes d’informations complémentaires sont plus que justifiées. Les professionnels de santé de la filière l’ont bien compris et ont su répondre à cette forte demande d’explications.
Comme je le rappelle souvent : après infection par le SARS-CoV-2, le taux de protéine Spike dans le corps est des dizaines de milliers de fois supérieur à celui induit par la vaccination. Par ailleurs, le recul dont les vaccins anti-COVID 19 disposent actuellement -avec plusieurs milliards de doses délivrées dans le monde- est complétement inédit. Aucun vaccin et ni aucun médicament n’ont jamais bénéficié d’un tel recul !
Interview réalisée par Laurence Houdouin, Responsable médicale de Maladies Rares Info Services
Pour aller plus loin ;
Recommandations de la filière Filnemus concernant la vaccination COVID-19 (mises à jour au 30 septembre 2021)
Autorisation d’accès précoce au RONAPREVE dans la prophylaxie post-exposition de la COVID-19